Le 14 juillet à Vienne, le Groupe des six médiateurs et l'Iran sont parvenus à arracher un accord qui prévoit de lever les sanctions internationales contre Téhéran en échange de sérieuses limitations sur le programme nucléaire iranien, que l'Occident soupçonnait de dissimuler la conception de l'arme nucléaire. Le président russe Vladimir Poutine a salué la conclusion de ces accords en déclarant que le « monde poussait aujourd'hui un grand soupir de soulagement ».
Les médias russes y voient « le triomphe de la ligne politico-diplomatique soutenue par la Russie pour résoudre ce problème » et espèrent que l'accord permettra de renforcer le régime de non-prolifération nucléaire. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a souligné que la Russie participerait activement à la mise en œuvre des accords. L'uranium enrichi par l'Iran sera envoyé en Russie en échange d'uranium naturel. Moscou prendra également part à la reconversion de l'usine iranienne d'enrichissement de Fordow.
Avenir des accords
Dans le même temps, les experts russes soulignent que l'avenir des accords est loin d'être sans nuages, et la participation de la Russie à leur mise en œuvre pourrait être remise en question. Dimitri Evstafiev, expert et membre du conseil du Centre PIR, estime les chances d'application des accords à « 50-50 », dans la mesure où le soutien du compromis en Iran même pourrait se révéler moins évident que prévu. Piotr Topytchkanov, collaborateur du programme « Problèmes de non-prolifération » au Centre Carnegie de Moscou, rappelle qu’« en Occident comme en Iran, des opposants influents à ces accords sont à l’œuvre », et beaucoup va dépendre de leur comportement.
Importance de l'Iran pour la Russie
D'après Sergueï Lavrov, la mise en œuvre des accords renforcera les liens économiques entre Moscou et Téhéran. « Nous avons avec l'Iran d'importants plans de développement de l'énergie atomique dans ce pays », a noté le ministre. Radjab Safarov, directeur général du Centre d'études de l'Iran contemporain, affirme qu'au-delà de l'énergie, la levée des sanctions ouvrirait aux entreprises russes toute une série d'opportunités sur le marché iranien, notamment dans des secteurs comme la production chimique, les technologies de l'information ou encore la construction de chemins de fer. Le domaine des technologies militaires est aussi riche en perspectives pour les deux pays, comme en témoigne la confirmation, côté russe, de la vente à l'Iran des systèmes de défense anti-aérienne S-300. Les médias soulignent que le montant potentiel des contrats dans le domaine militaire pourrait atteindre 20 à 70 milliards de dollars.
Selon Evstafiev, « l'Iran a besoin de la Russie comme d'un partenaire sérieux ». « Pour sa part, la Russie voit Téhéran comme un partenaire économique. D'un point de vue idéologique, l'Iran est encore trop exotique pour un partenariat politique », pense-t-il. L'expert remarque qu'au-delà de sa valeur commerciale, l'Iran a aussi une importance logistique. En effet, le corridor « Nord-Sud » est important pour la Russie, qui le contrôlera à 80%, note Evstafiev. En empruntant cet itinéraire, les marchandises d'Inde et d'autres pays d'Asie du Sud pourront être livrées en traversant l'Iran et la Russie aux pays du Nord et de l'Ouest de l'Europe. « L'Iran est aussi important pour la Russie, qui veut former une politique étrangère et commerciale multivectorielle », résume l'expert.
Le pétrole iranien, un défi pour la Russie ?
Les médias débattent activement des conséquences de la levée des sanctions contre l'Iran pour la Russie, plus précisément de la possible baisse du prix des produits russes à l'export après le retour du pétrole iranien sur le marché. Cependant, les analystes remarquent que sur cette question, tout n'est pas encore si clair.
« Si on observe la situation de manière pragmatique, oui, bien sûr, le retour des hydrocarbures iraniens sur le marché n'est pas avantageux pour la Russie dans la mesure où l'Iran est un acteur majeur de ce secteur. Dans six mois, Téhéran disposera de nouvelles forces et l'Iran écoulera sur le marché environ un million voire un million et demi de barils par jours », commente Radjab Safarov. Mais l'expert ajoute que c'est seulement à court terme que les conséquences négatives se feront sentir pour la Russie. Le fait est que la production pétrolière est largement contrôlée par l'Opep et Téhéran va retrouver ses quotas dans la production totale de l'organisation, transférés à l'Arabie saoudite après la mise en place des sanctions. Cette dernière, pour sa part, devra donc réduire sa production.
L'Iran et la défense antimissile européenne
Sergueï Lavrov, en annonçant les accords, a également rappelé la promesse formulée par le président américain Barack Obama en 2009 de suspendre le programme de défense antimissile européen en cas de retour à la normale sur le dossier nucléaire iranien. Les experts s'entendent pour affirmer que cette promesse ne sera pas tenue, dans la mesure où dès le départ, ce projet n'avait pas vraiment de rapport avec l'Iran. D'après Evstafiev, Lavrov s’est contenté de faire un clin d’œil à Barack Obama. Pour Topytchkanov, c'était un message à l'Occident, visant à lui rappeler ses déclarations passées.
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